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Page:Bergerat - Souvenirs d’un enfant de Paris, vol. 2, 1912.djvu/233

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lui en ai entendu aventurer, la bouche pleine et la flamme des vins aux yeux, à renverser le Mont Blanc dans le lac de Genève. Un soir, on venait de conter inter pocula quelque histoire un peu scabreuse d’un ministre austère, pincé en « fragment de lit » — ce qui était déjà bien pour « flagrant délit », — lorsque l’Inspecteur des Beaux-Arts s’écria d’une voix stentorique : Ah ! qu’elle est bonne, j’en fais des George Sand !…

— Des George Sand, qu’est-ce là ? interrogeait le maître, les sourcils dressés.

Eh bien ! oui, émit Gouzien avec le balbutiement imité de l’ivrogne, j’en fais des « gorges chaudes ».

Ce fut un tollé de Jugement dernier, et le maître fut seul à déclarer que l’on pouvait aller jusque-là dans le genre et qu’aucune règle n’en fixait la mesure.

Pauvre Gouzien, qui ne fut rien, si sagement peut-être, et ne voulut vivre que du génie des autres, il est un de ceux qui me manquent, il avait le boulevard heureux et ne se couchait pas sans son grand homme.