Aller au contenu

Page:Bergerat - Souvenirs d’un enfant de Paris, vol. 2, 1912.djvu/312

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


I

Elle est de moyenne taille, assez mal faite, comme idole de bois ou sainte de niche, éphébique, mince pourtant et souple, une Parisienne, peut-être, mais de race, non.

Borgne, ou quasi, de l’œil gauche, presque clos, masqué par une mèche qui voudrait être folle et qui est triste comme une branche de saule pleureur. Mais quelle expression de volonté impérieuse, même dans la partie enténébrée du visage ! Elle « n’a pas froid aux yeux », fût-ce à l’œil mort, celle-là, et son regard est celui des écuyères de haute école, fixe sur l’obstacle.

De sa beauté fameuse (Chaplin dixit), il demeure un ovale très pur et des traits plus fins que le corps. La chevelure châtain-clair, crépelée, ondule en cascatelle jusqu’au milieu du dos, « à la petite fille ». La coquetterie suprême est là, évidemment. Allons-y de la haute galanterie française ! Elle me remercie de mes compliments. Je suis artiste. Oh ! pas capillaire, madame. — Et tout de suite, elle me parle de l’honneur de sa toison. Elle me dit ses inventions personnelles pour en attiser le lustre et en vivifier les racines.

— Mon secret est bien simple, allez, c’est la glycérine, oui, monsieur, mais la glycérine nature, pure et sans parfums.

Ce secret, elle me le donne, comme elle l’a donné à Musard, qui s’en trouve bien, plus que bien. Du reste, je vais le voir.

La glycérine donc, et inodore. Elle évoque en moi