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Page:Bergson - Essai sur les données immédiates de la conscience.djvu/122

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Or, si tous les corps, organisés ou inorganisés, agissent et réagissent ainsi entre eux dans leurs parties élémentaires, il est évident que l’état moléculaire du cerveau à un moment donné sera modifié par les chocs que le système nerveux reçoit de la matière environnante ; de sorte que les sensations, sentiments et idées qui se succèdent en nous pourront se définir des résultantes mécaniques, obtenues par la composition des chocs reçus du dehors avec les mouvements dont les atomes de la substance nerveuse étaient animés antérieurement. Mais le phénomène inverse peut se produire ; et les mouvements moléculaires dont le système nerveux est le théâtre, se composant entre eux ou avec d’autres, donneront souvent pour résultante une réaction de notre organisme sur le monde environnant : de là les mouvements réflexes, de là aussi les actions dites libres et volontaires. Comme d’ailleurs le principe de la conservation de l’énergie a été supposé inflexible, il n’y a point d’atome, ni dans le système nerveux ni dans l’immensité de l’univers, dont la position ne soit déterminée par la somme des actions mécaniques que les autres atomes exercent sur lui. Et le mathématicien qui connaîtrait la position des molécules ou atomes d’un organisme humain à un moment donné, ainsi que la position et le mouvement de tous les atomes de l’univers capables de l’influencer, calculerait avec une précision infaillible les actions passées, présentes et futures de la personne à qui cet organisme appartient, comme on prédit un phénomène astronomique[1].

Nous ne ferons aucune difficulté pour reconnaître que cette conception des phénomènes physiologiques en général, et des phénomènes nerveux en particulier, découle assez naturellement de la loi de conservation de la force. Certes, la théorie atomique de la matière reste à l’état

  1. Voir à ce propos Lange, Histoire du matérialisme, trad, française, tome II, IIe partie.