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Page:Bergson - Les Deux Sources de la morale et de la religion.djvu/111

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et qui est l’élément spécifiquement religieux : mais c’est maintenant cet élément, et non pas la métaphysique à laquelle il est joint, qui devient le fondement religieux de la morale. Nous avons bien affaire à la seconde méthode, mais c’est de l’expérience mystique qu’il s’agit. Nous voulons parler de l’expérience mystique envisagée dans ce qu’elle a d’immédiat, en dehors de toute interprétation. Les vrais mystiques s’ouvrent simplement au flot qui les envahit. Sûrs d’eux-mêmes, parce qu’ils sentent en eux quelque chose de meilleur qu’eux, ils se révèlent grands hommes d’action, à la surprise de ceux pour qui le mysticisme n’est que vision, transport, extase. Ce qu’ils ont laissé couler à l’intérieur d’eux-mêmes, c’est un flux descendant qui voudrait, à travers eux, gagner les autres hommes : le besoin de répandre autour d’eux ce qu’ils ont reçu, ils le ressentent comme un élan d’amour. Amour auquel chacun d’eux imprime la marque de sa personnalité. Amour qui est alors en chacun d’eux une émotion toute neuve, capable de transposer la vie humaine dans un autre ton. Amour qui fait que chacun d’eux est aimé ainsi pour lui-même, et que par lui, pour lui, d’autres hommes laisseront leur âme s’ouvrir à l’amour de l’humanité. Amour qui pourra aussi bien se transmettre par l’intermédiaire d’une personne qui se sera attachée à eux ou à leur souvenir resté vivant, et qui aura conformé sa vie à ce modèle. Allons plus loin. Si la parole d’un grand mystique, ou de quelqu’un de ses imitateurs, trouve un écho chez tel ou tel d’entre nous, n’est-ce pas qu’il peut y avoir en nous un mystique qui sommeille et qui attend seulement une occasion de se réveiller ? Dans le premier cas, la personne s’attache à l’impersonnel et vise à s’y insérer. Ici, elle répond à l’appel d’une personnalité, qui peut être celle