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Page:Bergson - Les Deux Sources de la morale et de la religion.djvu/190

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Qu’il soit arrivé à la magie de servir la science accidentellement, c’est possible : on ne manipule pas la matière sans en tirer quelque profit. Encore faut-il, pour utiliser une observation ou même simplement pour la noter, avoir déjà quelque propension à la recherche scientifique. Mais, par là, on n’est plus magicien, on tourne même le dos à la magie. Il est facile, en effet, de définir la science, puisqu’elle a toujours travaillé dans la même direction. Elle mesure et calcule, en vue de prévoir et d’agir. Elle suppose d’abord, elle constate ensuite que l’univers est régi par des lois mathématiques. Bref, tout progrès de la science consiste dans une connaissance plus étendue et dans une plus riche utilisation du mécanisme universel. Ce progrès s’accomplit d’ailleurs par un effort de notre intelligence, qui est faite pour diriger notre action sur les choses, et dont la structure doit par conséquent être calquée sur la configuration mathématique de l’univers. Quoique nous n’ayons à agir que sur les objets qui nous entourent, et quoique telle ait été la destination primitive de l’intelligence, néanmoins, comme la mécanique de l’univers est présente à chacune de ses parties, il a bien fallu que l’homme naquît avec une intelligence virtuellement capable d’embrasser le monde matériel tout entier. Il en est de l’intellection comme de la vision : l’œil n’a été fait, lui aussi, que pour nous révéler les objets sur lesquels nous sommes en état d’agir ; mais de même que la nature n’a pu obtenir le degré voulu de vision que par un dispositif dont l’effet dépasse son objet (puisque nous voyons les étoiles, alors que nous sommes sans action sur elles), ainsi elle nous donnait nécessairement, avec la faculté de comprendre la matière que nous manipulons, la connaissance virtuelle du reste et le pouvoir non moins