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Page:Bergson - Les Deux Sources de la morale et de la religion.djvu/333

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le mysticisme, privilège de quelques-uns, fut vulgarisé par la religion, ainsi l’ascétisme concentré, qui fut sans doute exceptionnel, se dilua pour le commun des hommes en une indifférence générale aux conditions de l’existence quotidienne. C’était, pour tout le monde, un manque de confort qui nous surprend. Riches et pauvres se passaient de superfluités que nous tenons pour des nécessités. On a fait remarquer que, si le seigneur vivait mieux que le paysan, il faut surtout entendre par là qu’il était nourri plus abondamment . Pour le reste, la différence était légère. Nous nous trouvons donc bien ici devant deux tendances divergentes qui se sont succédé et qui se sont comportées, l’une et l’autre, frénétiquement. Il est permis de présumer qu’elles correspondent à deux vues opposées prises sur une tendance primordiale, laquelle aurait trouvé ainsi moyen de tirer d’elle-même, en quantité et en qualité, tout ce qu’elle pouvait et même plus qu’elle n’avait, s’engageant sur les deux voies tour à tour, se replaçant dans l’une des directions avec tout ce qui avait été ramassé le long de l’autre. Il y aurait donc oscillation et progrès, progrès par oscillation. Et il faudrait prévoir, après la complication sans cesse croissante de la vie, un retour à la simplicité. Ce retour n’est évidemment pas certain ; l’avenir de l’humanité reste indéterminé, parce qu’il dépend d’elle. Mais si, du côté de l’avenir, il n’y a que des possibilités ou des probabilités, que nous examinerons tout à l’heure, il n’en est pas de même pour le passé : les deux développements opposés que nous venons de signaler sont bien ceux d’une seule tendance originelle.

Déjà l’histoire des idées en témoigne. De la pensée socratique, suivie dans deux sens contraires qui chez Socrate