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Page:Berlioz - À travers chants, 1862.djvu/109

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et Rossini ont tort, sinon un théâtre construit dans de mauvaises conditions musicales ? Il ne manque pourtant pas de sonorité. Non, mais comme tous les autres théâtres de la même dimension, l’Opéra est trop grand. Le son le remplit aisément, mais non le fluide musical que dégagent les moyens ordinaires d’exécution. On objectera sans doute que plusieurs beaux ouvrages y produisent néanmoins de l’effet, et qu’un chanteur habile, lorsqu’il a le talent d’enchaîner et de concentrer sur soi l’attention de l’auditoire, y peut aborder avec succès le chant doux. Mais je répondrai que ce précieux chanteur impressionnerait bien plus vivement encore son public dans une salle moins vaste, et qu’il en serait de même de ces beaux ouvrages, écrits d’ailleurs spécialement pour le théâtre de l’Opéra ; que, de plus, sur vingt belles idées contenues dans ces partitions exceptionnelles (les partitions écrites aujourd’hui même pour le théâtre de l’Opéra), c’est à peine si quatre ou cinq surnagent ; tout le reste est perdu. Encore ces beautés n’apparaissent-elles que voilées et amoindries par l’éloignement, et jamais sous tous leurs aspects, jamais dans toute leur vivacité d’allures, jamais dans tout leur éclat.

De là la nécessité tant raillée, mais réelle cependant, d’entendre très-souvent un bel opéra pour le goûter et en découvrir le mérite. À sa première représentation tout y paraît confus, vague, incolore, sans forme, sans nerf ; ce n’est qu’un tableau à demi effacé et dont il faut suivre le dessin ligne à ligne. Écoutez les jugements du foyer dans les entr’actes des premières représentations ; l’ouvrage nouveau, au dire des critiques, est invariablement ennuyeux ou détestable. Voilà vingt-cinq ans que je les écoute en pareil cas, sans les avoir entendus une seule fois exprimer une opinion plus favorable. C’est bien pis aux répétitions générales, quand la salle est à demi vide ; alors rien ne surnage, tout disparaît ; ni grâce mélodique, ni science harmonique, ni coloris d’instrumentation, ni amour, ni colère, n’y font rien ; c’est un bruit vague plus