Aller au contenu

Page:Berlioz - À travers chants, 1862.djvu/117

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

la révolution instrumentale des orchestres de théâtre fut faite. On employa les grands bruits à tout propos et dans tous les ouvrages, quel que fût le style qu’imposait le sujet. Bientôt les timbales, la grosse caisse, et les cymbales et le triangle ne suffisant plus, on leur adjoignit un tambour, puis deux cornets vinrent en aide aux trompettes, aux trombones et à l’ophicléide ; l’orgue s’installa dans les coulisses à côté des cloches, et l’on vit entrer sur la scène les bandes militaires, et enfin les grands instruments de Sax, qui sont aux autres voix de l’orchestre comme une pièce de canon est à un fusil. Enfin, Halévy dans sa Magicienne ajouta à tous ces moyens violents de l’instrumentation, le tamtam. Les nouveaux compositeurs, irrités de l’obstacle que leur opposait l’immensité de la salle, pensèrent qu’il fallait, sous peine de mort pour leurs œuvres, le renverser. Maintenant est-on resté généralement dans les conditions de l’art digne et élevé en employant ces moyens extrêmes pour tourner l’obstacle en croyant le détruire ? Non, certes ! les exceptions sont rares.

L’emploi judicieux des instruments les plus vulgaires, les plus grossiers même, peut être avoué par l’art, peut servir à accroître réellement sa richesse et sa puissance. Rien n’est à dédaigner dans les moyens qui nous sont acquis aujourd’hui ; mais les horreurs instrumentales dont nous sommes témoins n’en deviennent que plus odieuses, et je crois avoir démontré qu’elles ont, pour leur part, beaucoup contribué à faire naître les excès vocaux qui ont motivé ces trop longues et, je le crains, trop inutiles réflexions.

Ajoutez que ces mêmes excès, introduits graduellement par l’esprit d’imitation dans le théâtre de l’Opéra-Comique, y sont, eu égard aux conditions particulières de ce théâtre, de son orchestre, de ses chanteurs, du ton général de son répertoire, incomparablement plus révoltants.

J’ai cru devoir aborder de front, pour la première fois, cette question d’où dépend évidemment la vie de la musique théâ-