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Page:Berlioz - À travers chants, 1862.djvu/200

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mais l’inhabileté des cornistes de son époque l’aura empêché d’y recourir.

Le chœur des esprits infernaux venant chercher Alceste répond bien à l’idée que l’on s’en peut faire. C’est la vaste clameur de l’avare Achéron qui réclame sa proie. Les grands accords plaqués des trombones et le violent trémolo des instruments à cordes, reprenant à intervalles irréguliers, en augmentent le caractère sauvage. Le dernier solo d’Admète :

Aux enfers je suivrai tes pas !


est un bel élan désespéré. Seulement, et ici encore la faute n’en est pas au compositeur, il dure trop longtemps. Admète, demeuré seul, et répétant si souvent : « Que votre main barbare porte sur moi ses coups ! Frappez ! frappez ! » à des démons qui ne sont plus présents, au lieu de se précipiter dans l’antre infernal sur les pas d’Hercule, est invraisemblable et ridicule, quelles que soient la force et la vérité des accents que lui prête le compositeur. Mais le fils de Jupiter de l’enfer est vainqueur, Alceste est rendue à la vie. Apollon descend des cieux quand son intervention n’est plus nécessaire, et y remonte après avoir félicité les deux époux sur leur bonheur et Hercule sur son courage. Ces trois personnages chantent alors un petit trio d’un style assez peu élevé, qui pourrait bien être encore de Gossec, et qu’on a cru devoir supprimer à la dernière reprise qu’on vient de faire d’Alceste à l’Opéra. Il en est de même du chœur final : « Qu’ils vivent à jamais, ces fortunés époux ! » Non qu’il puisse y avoir le moindre doute sur l’authenticité du morceau, qui est bien de Gluck, mais parce qu’on a craint de manquer de respect à l’homme de génie, en faisant entendre à la fin de son chef-d’œuvre, et après tant de merveilles, une page si indigne de lui. C’est en effet trivial, mesquin, détestable de tout point. « C’est le chœur des banquettes, disait-on aux répétitions ; Gluck n’aura pas voulu se donner la peine de l’écrire, et il aura dit un jour à son domestique :