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Page:Berlioz - À travers chants, 1862.djvu/274

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lettre sera peut-être fort convenable, claire et nette comme une lettre de faire part. Cela va dépendre de ma santé, qui est détestable et des caprices de ma névralgie. Je lâche ce mot à dessein, afin que vous puissiez dire, quand je serai par trop ennuyeux : — C’est sa névralgie !

En effet, beaucoup de gens sont dépourvus d’esprit et de bon sens quand ils se portent bien ; pour moi c’est tout le contraire, et mon défaut d’esprit n’est jamais si évident que dans l’état de maladie. Je suis de la seconde catégorie ; trop heureux de me figurer que je n’appartiens pas à la troisième, à celle des gens qui n’ont pas le sens commun dans tous les cas.

Ce que je fais à Bade ?… J’y fais de la musique ; chose qui m’est absolument interdite à Paris, faute d’une bonne salle, faute d’argent pour payer les répétitions, faute de temps pour les bien faire, faute de public, faute de tout.

M. Benazet, qui, pendant cinq mois, est le véritable souverain de Bade, et qui exerce sa souveraineté pour la plus grande gloire de l’art et le bonheur des artistes, me tint, il y a huit ans, à peu près ce langage : « Mon cher monsieur, je donne beaucoup de concerts dans les petits salons du palais de la Conversation. Tous les pianistes du monde y viennent successivement et plusieurs y viennent simultanément faire leurs exercices. On y entend les plus grands artistes et les virtuoses les plus excentriques ; on y voit des violonistes jouer de la flûte, des flûtistes jouer du violon, des basses chanter en voix de soprano, des soprani chanter en voix de basse ; on y entend même des chanteurs qui ne se servent d’aucune espèce de voix. Ce sont donc, en somme, de beaux concerts. Pourtant, quoiqu’on prétende que le mieux est ennemi du bien, j’ambitionne le mieux. Voulez-vous venir à Bade organiser annuellement un grand concert festival ? Je mettrai à votre disposition tout ce que vous demanderez en chanteurs et en instrumentistes, pour former un ensemble en rapport avec les dimensions de la grande salle du palais de la Conversation, et surtout en rapport avec