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Page:Berlioz - À travers chants, 1862.djvu/331

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ROMÉO ET JULIETTE
OPÉRA EN QUATRE ACTES DE BELLINI

SA PREMIÈRE REPRÉSENTATION AU THÉÂTRE DE L’OPÉRA
DÉBUTS DE MADAME VESTVALI


Il existe à cette heure cinq opéras de ce nom dont le drame immortel de Shakspeare est censé avoir fourni le sujet. Rien cependant ne ressemble moins au chef-d’œuvre du poëte anglais que les libretti, pour la plupart difformes, mesquins, et quelquefois niais jusqu’à l’imbécillité, que divers compositeurs ont mis en musique. Tous les librettistes ont prétendu néanmoins s’inspirer de Shakspeare et allumer leur flambeau à son soleil d’amour. Pâles flambeaux dont trois sont à peine de petites bougies roses, dont un seul jeta en fumant quelque éclat, et dont l’autre ne peut être comparé qu’au bout de chandelle d’un chiffonnier !

Ce que les tailleurs de libretti français et italiens, à l’exception de M. Romani (qui est, je crois, l’auteur de celui de Bellini), ont fait de l’œuvre shakspearienne dépasse tout ce qu’on peut imaginer de puéril et d’insensé. Ce n’est pas qu’il soit possible de transformer un drame quelconque en opéra sans le modifier, le déranger, le gâter plus ou moins. Je le sais. Mais il y a tant de manières intelligentes de faire ce travail profanateur, imposé par les exigences de la musique ! Par exemple, bien qu’on n’ait pas pu conserver tous les personnages du Ro-