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Page:Berlioz - À travers chants, 1862.djvu/64

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l’auteur, pour pénétrer le sens intime de son œuvre, pour en éprouver l’effet, et pour étudier les impressions qu’elle a produites jusqu’ici sur certaines organisations exceptionnelles et sur le public. Parmi les jugements divers qu’on a portés sur cette partition, il n’y en a peut-être pas deux dont l’énoncé soit identique. Certains critiques la regardent comme une monstrueuse folie ; d’autres n’y voient que les dernières lueurs d’un génie expirant ; quelques-uns, plus prudents, déclarent n’y rien comprendre quant à présent, mais ne désespèrent pas de l’apprécier, au moins approximativement, plus tard ; la plupart des artistes la considèrent comme une conception extraordinaire dont quelques parties néanmoins demeurent encore inexpliquées ou sans but apparent. Un petit nombre de musiciens naturellement portés à examiner avec soin tout ce qui tend à agrandir le domaine de l’art, et qui ont mûrement réfléchi sur le plan général de la symphonie avec chœurs après l’avoir lue et écoutée attentivement à plusieurs reprises, affirment que cet ouvrage leur paraît être la plus magnifique expression du génie de Beethoven : cette opinion, nous croyons l’avoir dit dans une des pages précédentes, est celle que nous partageons.

Sans chercher ce que le compositeur a pu vouloir exprimer d’idées à lui personnelles dans ce vaste poëme musical, étude pour laquelle le champ des conjectures est ouvert à chacun, voyons si la nouveauté de la forme ne serait pas ici justifiée par une intention indépendante de toute pensée philosophique ou religieuse, également raisonnable et belle pour le chrétien fervent, comme pour le panthéiste et pour l’athée, par une intention, enfin, purement musicale et poétique.

Beethoven avait écrit déjà huit symphonies avant celle-ci. Pour aller au delà du point où il était alors parvenu à l’aide des seules ressources de l’instrumentation, quels moyens lui restaient ? l’adjonction des voix aux instruments. Mais pour observer la loi du crescendo, et mettre en relief dans l’œuvre même la puissance de l’auxiliaire qu’il voulait donner à l’or-