Page:Berlioz - Les Grotesques de la musique, 1859.djvu/154

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— Et ma selle qui a tourné.

— Ah ! ah ! on l’a retenue à temps !

— Nous avons cueilli des framboises.

— Quelle vue !

— Dieu ! que c’est beau !

— Non, M’ssieu, je ne resterai point ! Il faut nous en retourner tout d’suite à Plombié. On m’attend pour aller au Renard. J’veux que mes ânes me rapportent !

— Eh bien ! partez, beauté rudanière, nous reviendrons à pied ; croyez-vous que nous ayons grimpé jusqu’ici pour y rester seulement deux minutes et repartir sans rien voir ? »

On s’est enfin permis de jouir du coup d’œil, d’admirer le val d’Ajol qui se déploie à une grande profondeur au-devant de la maison de Dorothée. C’est un vaste berceau de verdure, avec un village rougeâtre déposé au fond du berceau, comme un jouet d’enfant, et mille arabesques dessinées par des massifs diversement colorés de sapin, de hêtre, de bouleau et de frêne, cet arbre élégant, l’orgueil de la végétation des Vosges ; le tout couvert d’un léger voile bleu, et si calme, si frais, si bien encadré de toutes parts… À cet aspect, le premier mouvement du spectateur placé sur le bord de la terrasse est de s’élancer dans l’espace vide pour nager avec délices dans ce grand lac d’air pur. Mais aussitôt il résiste à cette impulsion spontanée qui l’entraîne en avant ; il se cramponne à un arbre pour ne pas tomber dans le précipice, et il s’écrie avec Faust : « Oh ! que n’ai-je des ailes !… » N’est-il pas naturel en effet d’é-