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Page:Berlioz - Les Grotesques de la musique, 1859.djvu/165

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judicieux : Au lieu d’immerger le malade, s’est-il dit, et de l’affaiblir par des bains interminables, si l’on immergeait seulement celui de ses organes qui le fait souffrir, la cure ne serait-elle pas à la fois et moins fatigante, et plus sûre, et plus complète ? Cela doit être, évidemment. Guidé par cette idée lumineuse, l’ingénieux docteur a aussitôt imaginé une admirable opération dont on ne trouve pas la description dans les livres sibillins (il en garde le secret), qu’il fait sans douleur, et au moyen de laquelle les intestins du malade sont doucement extraits de son corps. Il les expose alors dans le courant de l’onde bienfaisante, et en trente-six heures au plus la guérison s’opère. Par exemple, le malade est obligé d’observer pendant ce laps de temps une diète absolue.

— Oh ! sans doute, il serait insensé de ne pas s’y soumettre. Qui veut la fin veut les moyens.

— Après quoi les intestins sont remis à leur place, sans douleur toujours, et cette merveilleuse cure est accomplie. Mais il faut tout vous dire : à ce grand avantage physique viennent malheureusement se joindre quelquefois des inconvénients moraux. Vous n’ignorez pas que l’Eau-grogne fourmille de truites ? or la truite est un poisson vorace, et il arrive fréquemment, pendant l’immersion des organes… ma foi… vous comprenez…

— Vous me faites frémir !

— Oui, à la fin, il peut manquer une partie de l’appareil digestif, quelques mètres du tube intestinal…