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Page:Berlioz - Les Grotesques de la musique, 1859.djvu/181

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« — Prenez mon ours !

— Ne prenez pas son ours !

— Vous aurez un succès, je vous le garantis.

— Vous éprouverez un échec, je vous le jure.

— Toute ma presse et toute ma claque sont à vous.

— Tout le public sera contre vous. Tandis qu’en prenant mon ours vous aurez le public pour vous.

— Oui, mais vous aurez pour ennemis toute ma presse et toute ma claque, et moi par-dessus le marché. »

La débutante effrayée se tourne alors vers son directeur, pour qu’il la dirige. Hélas ! demander à un directeur une direction, quelle innocence ! Le pauvre homme ne sait lui-même à quel diable se vouer. Il n’ignore pas que les marchands d’ours ont raison quand ils parlent de la réalité de leur influence, et de quel intérêt il est pour une débutante surtout de les ménager. Pourtant, comme après tout on ne peut pas contenter à la fois l’ours à la tête blanche et l’ours à la tête noire, on en vient à se décider pour l’ours qui grogne le plus fort, et la pièce de début est annoncée. La débutante sait le rôle, mais, ne l’ayant jamais encore chanté en scène, il lui faut au moins une répétition, pour laquelle il est nécessaire de réunir l’orchestre, le chœur et les personnages principaux de la pièce. Ici commence une série d’intrigues, de mauvais vouloirs, de niaiseries, de perfidies, d’actes de paresse, d’insouciance, à faire damner une sainte. Tel jour on ne peut convoquer l’orchestre, tel autre on ne peut