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Page:Berlioz - Les Grotesques de la musique, 1859.djvu/205

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breuses de destruction qui menacent ces chefs-d’œuvre. Et malgré les ressources dont l’art et l’industrie disposent, grâce à cette monstrueuse indifférence de tous pour les grands intérêts de l’art musical, ces chefs-d’œuvre périront.

Hélas ! hélas ! Shakspeare a raison : La gloire est comme un cercle dans l’onde, qui va toujours s’élargissant, jusqu’à ce qu’à force de s’étendre il disparaisse tout à fait. Et Rossini a depuis longtemps semblé croire que le cercle de la sienne était trop étendu, tant il a accablé d’un colossal dédain tout ce qui pouvait y porter atteinte. Sans cela, sans cette prodigieuse et grandiose indifférence, peut-être se fût-on contenté, à l’Opéra de Paris, de mettre aux archives ses partitions du Siège de Corinthe, de Moïse et du Comte Ory, et se fut-on abstenu de fouailler comme on l’a fait son Guillaume Tell. Qui n’y a pas mis la main ? qui n’en a pas déchiré une page ? qui n’en a pas changé un passage, par simple caprice, par suite d’une infirmité vocale ou d’une infirmité d’esprit ? À combien de gens qui ne savent ce qu’ils font le maître n’a-t-il pas à pardonner ? Mais quoi ! pourrait-il se plaindre ? ne vient-on pas de reproduire Guillaume Tell presque tout entier ? On a remis au premier acte la marche nuptiale qu’on en avait retranchée depuis longtemps ; tous les grands morceaux d’ensemble du troisième nous sont rendus ; l’air « Amis, secondez ma vaillance ! » qui avait disparu plus d’un an avant les débuts de Duprez et qu’on réinstalla ensuite pour en faire le morceau final de la