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Page:Berlioz - Les Grotesques de la musique, 1859.djvu/232

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et les poëtes n’ont jamais songé seulement à trouver le moyen de fixer le degré de rapidité ou de lenteur convenable à la récitation de leurs vers.

L’écriture du langage d’aucun peuple n’a les signes indicateurs de la division du temps. La musique (moderne) seule les possède ; la musique peut écrire le silence et en déterminer la durée, ce que les langues parlées ne sauraient faire. La musique enfin, et pour couper court à ces singulières prétentions renouvelées des Grecs qu’élèvent des grammairiens et des poëtes qui ne la connaissent pas, existe par elle-même ; elle n’a aucun besoin de la poésie ; et toutes les langues humaines périraient qu’elle n’en resterait pas moins le plus poétique et le plus grand des arts, comme elle en est le plus libre. Qu’est une symphonie de Beethoven, sinon la musique souveraine dans toute sa majesté ?… .   .    .   .    .   .    .   .    .   .    .   .    .   .    .   .    .   .    .   .    .   .    .
 .   .    .   .    .   .    .   .    .   .    .   .    .   .    .   .    .   .    .   .    .   .    .     Tel est encore le préjugé toujours ranimé à propos de tous les musiciens de style, de la suprématie accordée par eux, dit-on, à la partie instrumentale au détriment de la vocale. Vienne un compositeur qui sait écrire, qui possède son art à fond, qui, par conséquent, sait employer l’orchestre avec discernement, avec finesse, le faire parler avec esprit, se mouvoir avec grâce, jouer comme un gracieux enfant, ou chanter d’une voix puissante, ou tonner, ou rugir ; qui ne va pas, à l’exemple des compositeurs vulgaires, se ruer à coups de pied, à coups de poing sur les instruments, celui-là, dira-t-on, est