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Page:Berlioz - Les Grotesques de la musique, 1859.djvu/259

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vanni, de la précipitation avec laquelle les premières loges se vidaient au moment de l’entrée de la statue du commandeur. Il n’y avait plus de cavatines à entendre. Rubini avait chanté son air, il ne restait que la dernière scène (le chef-d’œuvre du chef-d’œuvre), il fallait donc partir au plus vite pour aller prendre le thé.

Dans une grande ville d’Allemagne où l’on passe pour aimer sincèrement la musique, l’usage est de dîner à deux heures. La plupart des concerts de jour commencent en conséquence à midi. Mais si à deux heures moins un quart le concert n’est pas terminé, restât-il à entendre un quatuor chanté par la Vierge Marie et la sainte Trinité et accompagné par l’archange Michel, les braves dilettanti n’en quitteront pas moins leur place, et, tournant tranquillement le dos aux virtuoses divins, ne s’achemineront pas moins impassibles vers leur pot-au-feu.

Tous ces gens-là sont des intrus dans les théâtres et dans les salles de concerts ;

L’art n’est pas fait pour eux, ils n’en ont pas besoin.

Ce sont les descendants du bonhomme Chrysale :

Vivant de bonne soupe et non de beau langage,

et Shakspeare et Beethoven sont fort loin à leurs yeux d’avoir l’importance d’un bon cuisinier.