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Page:Berlioz - Les Grotesques de la musique, 1859.djvu/304

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ne pas mourir de faim. Quel grand homme qu’Odry !) Pour lors donc, la cantate étant faite et copiée, nous partons pour Lille. Le chemin de fer faisant une exception en faveur de ses inaugurateurs, nous arrivons sans déraillements jusqu’à Arras. À peine sommes-nous en vue des remparts de cette ville, que voilà toute la population mâle et femelle de notre diligence qui part d’un éclat de rire, oh ! mais, d’un de ces rires à fendre une voûte de pierre dure. Et cela sans que personne eût dit le mot. Chacun possédant son Molière par cœur, le souvenir des Précieuses ridicules nous avait tous frappés spontanément à l’aspect des murailles de la ville, et nous cherchions de l’œil, en riant aux larmes, cette demi-lune que le marquis de Mascarille emporta au siège d’Arras, et qui, au dire du vicomte de Jodelet, était parbleu bien une lune tout entière. Voilà un succès ! parlez-moi d’un comique tel que Molière qui, sans théâtre, sans acteurs, sans livres, par le souvenir seul d’un mot, fait rire à se tordre les enfants des enfants des arrière-petits-enfants de ses contemporains !…

Arrivé à Lille, M. Dubois me met immédiatement en rapport avec les chanteurs dont le concours m’était nécessaire pour l’exécution de la cantate, et avec les bandes militaires venues de Valenciennes, de Douai et de quelques autres villes voisines. L’ensemble de ces groupes instrumentaux formait un orchestre de cent cinquante musiciens à peu près, qui devaient exécuter sur la promenade publique, le soir, devant les princes