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Page:Berlioz - Les Grotesques de la musique, 1859.djvu/312

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Tout est bien qui finit gaiment.


On peut remarquer un singulier contraste entre l’activité des musiciens de Paris à l’époque où nous sommes, et celle qu’ils déployaient il y a vingt ans. Presque tous avaient foi en eux-mêmes et dans le résultat de leurs efforts ; presque tous aujourd’hui ont perdu cette croyance. Ils persévèrent néanmoins.

Leur courage ressemble à celui de l’équipage d’un navire explorant les mers du pôle antarctique. Les hardis marins ont bravé d’abord joyeusement les dangers des banquises et des glaces flottantes. Peu à peu, le froid redoublant d’intensité, les glaçons entourent leur vaisseau, sa marche est plus difficile et plus lente ; le moment approche où la mer solidifiée le retiendra captif dans une immobilité silencieuse semblable à la mort.

Le danger devient manifeste ; les êtres vivants ont presque tous disparu ; plus de grands oiseaux aux ailes immenses dans ce ciel gris d’où tombe un épais brouillard, plus rien que des troupes de pingouins debout, stupides, sur des îles de glace, pêchant quelque maigre proie, en agitant leurs moignons sans plumes incapables de les porter dans l’air… Les matelots sont devenus taciturnes, leur humeur est sombre, et les rares paroles qu’ils échangent entre eux en se rencontrant sur le