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Page:Berlioz - Les Grotesques de la musique, 1859.djvu/51

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lescope ; n’y découvrant rien, il essaye de nouveau, il souffle avec rage ; pas un son. Désespéré, il ordonne aux musiciens de recommencer le tutti : « Tram, pam, pam, tire lire la ré la, » et, pendant que l’orchestre s’escrime, le virtuose, plaçant sa clarinette, je ne dirai pas entre ses jambes, mais beaucoup plus haut, le pavillon en arrière, le bec en avant, se met à dévisser précipitamment l’anche et à passer l’écouvillon dans le tube…

Tout cela demandait un certain temps, et déjà l’impitoyable orchestre, ayant fini son tutti, était de nouveau parvenu à son repos sur l’accord de la dominante.

« Encore ! encore ! recommencez ! recommencez ! » crie aux musiciens l’artiste en pâtiments. Et les musiciens d’obéir : « Tram, pam, pam, tire lire la ré la. » Et pour la troisième fois, après quelques instants, les voilà de retour à la mesure inexorable qui annonce l’entrée du solo. Mais la clarinette n’est pas prête : « Da capo ! encore ! encore ! » Et l’orchestre de repartir gaiement : « Tram, pam, pam, tire lire la ré la. »

Pendant cette dernière reprise, le virtuose ayant réarticulé les diverses pièces du malencontreux instrument, l’avait remis entre… ses jambes, avait tiré de sa poche un canif et s’en servait pour gratter précipitamment l’anche de la clarinette placée comme vous savez.

Les rires, les chuchottements bruissaient dans la salle : les dames détournaient le visage, se cachaient dans le fond des loges ; les hommes se levaient debout,