Page:Berlioz - Les Grotesques de la musique, 1859.djvu/87

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part quelque bienveillance : « Monsieur, oserais-je vous prier de vouloir bien prendre la peine de m’indiquer le théâtre des Folies-Nouvelles ? » que j’y suis enfin parvenu. Et ce théâtre, charmant, je dois le redire, fait de la musique. Il possède un joli petit orchestre bien dirigé par un habile virtuose, M. Bernardin, et plusieurs chanteurs qui ne sont point maladroits. J’allais ce soir-là, sur la foi d’un de mes confrères, assister à une tentative de musique sérieuse dans l’opéra nouveau intitulé le Calfat. De la musique sérieuse aux Folies-Nouvelles ! me disais-je tout le long du boulevard, c’est un peu bien étrange ! Après tout, c’est sans doute un moyen de justifier le titre du joli petit théâtre. Nous verrons bien. Nous avons vu, et nos terreurs se sont vite dissipées. MM. les directeurs des Folies sont gens de trop d’esprit et de bon sens pour tomber dans une erreur si grave et si préjudiciable à leurs intérêts. Hâtons-nous de dire qu’ils n’y ont jamais songé. À quoi donc mon confrère pensait-il quand il m’a parlé sérieusement de la musique sérieuse du Calfat ! Mais si l’auteur se fût avisé d’une aussi sotte incartade, tous les bâtons de sucre d’orge jaunes, roses et verts eussent disparu pour faire place à d’ignobles bâtons noirs de jus de réglisse, les lionceaux du parterre eussent rugi de fureur et les gazelles du balcon se fussent voilé le museau.

Ah ! de la musique sérieuse ! sans y être forcé ! c’eût été une bonne folie ! Ces mots : musique sérieuse, ou musique sévère, ce qui est absolument la même chose