Page:Bernier - Ce que disait la flamme, 1913.djvu/120

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Jean, avec un sourire imprégné de calme. Nous voltigeons à la surface du sujet, nous effleurons à peine… Envoûtement, disais-tu, Lucien ? Le mot commence lui-même à perdre sa fraîcheur. Il paraît que plus les hommes, en tâchant d’élever leur âme, fuient la religion de l’instinct, plus ils se rapprochent de « la bête » ; abrutissement, voilà l’expression qui flagelle et cloue tous les serviteurs de la morale naïve au pilori ! Peut-on s’aveugler davantage ? Dans leur candeur, ils tentent de museler la brute, et plus ils y réussissent, plus ils sont abrutis ! Envoûtés, cela n’affirme rien ! « abrutis », j’aime mieux cela ! quelle sonorité verbale ! la bouche en est remplie.

— Je comprends moins. Voici que tu nargues les… assommeurs de la tradition.

— Parce que je m’amuse d’une rencontre bizarre de mots ?…

— Ah, j’avais cru…

— Nos idées fraternisent, rassure-toi !

— C’est qu’il faut de la morale, ai-je dit.

— Oui, de la morale délicieuse, flexible, élégante. Pas celle des lourdauds, mais celle des âmes nuancées qui volettent bien au-dessus du vallon banal…

— Qui ne sont pas traditionnelles, enfin !

— Précisément !

— Tradition, tradition ! Ce dût être l’air psal-