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Page:Bernier - Ce que disait la flamme, 1913.djvu/135

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— La peine t’enlève ton bon sens. Il y a de bons cœurs, beaucoup de bons cœurs chez les médecins. Le docteur Bernard…

— En avait-il une binette déconfite ! une allure d’enterrement ! Il ne lui manquait que la cravate noire.

— Es tu bien certaine ?

— Tu n’as pas vu cela ? Il n’a pas eu l’audace de nous regarder « en pleine figure ». Il n’a presque rien dit, il bafouillait. Les docteurs ne condamnent jamais autrement, par les yeux baissés à terre. Quand ils peuvent quelque chose, ils envisagent, ils envisagent. Mon pauvre vieux est perdu !

Elle allait de nouveau s’abandonner aux sanglots, mais Lucile, énergiquement suppliante, les endigua.

— Allons, du courage !… Si tu savais comme j’en ai moi ! c’est de la certitude : rien ne peut la détruire. Je crois à la guérison de père comme au bon Dieu ! Le Ciel nous envoie la force de lutter : mon cœur en est tout plein. Ne pleure pas, maman, écoute-moi !

— J’ai tant prié, le mieux que je pouvais… nous avons tous prié, les grands, toi, le petit Jacques, les petites filles. Tous les soirs, avant son dodo, Jeanne lève ses menottes et ses yeux clairs comme l’eau pure : « Bon Dieu ! sauvez papa ! » dit-elle, une fois, deux fois, et cela de-