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Page:Bernier - Ce que disait la flamme, 1913.djvu/167

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— Dites-moi que le repos va venir, que mon père sera guéri ! Vous le sauverez, n’est-ce pas ?

Un reflet d’ardeur colore son visage, flambe au fond des yeux qui supplient, qui exigent. Jean pressent quelle foi en sa science, en son habileté, la transporte. Elle est certaine qu’il a promis de se mesurer contre la mort, de lui ravir sa proie. Sans autre mobile, il a voulu manifester à l’ouvrier de son père, à la jeune fille surtout, la commisération dont son âme est pleine. Il ne lui est pas venu à l’esprit qu’on ferait appel à son talent de guérir ! Voici donc la première confrontation avec l’ennemie… Une seconde, il vacille : dans les centres nerveux et tout le long de l’épine dorsale, un frisson glacé court. Tant d’examens, les diplômes sont impuissants à détourner la première angoisse, la peur… La volonté se raidit contre sa propre lâcheté… Lucile Bertrand, exaltée par l’illusion, doit n’en pas descendre. Elle en serait meurtrie, gravement. Et d’ailleurs, Jean, n’est-il pas sourdement orgueilleux du rôle auquel elle l’élève ? En déchoir l’attristerait, lui déroberait une joie qui pénètre à chaque instant davantage, celle d’être nécessaire aux yeux profonds d’attente et de certitude. À la regarder, si amaigrie, très blanche d’avoir été si anxieuse, il sent croître en lui l’impérieux besoin de ne pas la décevoir. Il n’hési-