Aller au contenu

Page:Bernier - Ce que disait la flamme, 1913.djvu/187

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
176
CE QUE DISAIT LA FLAMME…

titieuse : Gaspard s’esclaffa d’un rire qui sonnait la charge et la victoire. D’un geste circulaire et magnétique, il dissipait l’ombre des revers. Le front souriant, l’intelligence aiguë comme une lame, le flair jamais déçu, le cœur heurtant la poitrine d’un choc ferme, il traversa les risques sans y choir, détourna les catastrophes, devina les fécondes poussées d’affaires : comme un grand vaisseau ouvre l’onde sans peine et sans dévier, il passait… À la manière des ruisseaux grandissant un lac aux frissons d’argent, les profits débordèrent et la fortune s’éleva. Aux meubles frustes, aux voitures moins élégantes, on additionna les meubles d’essence plus fine, les voitures éblouissantes. À Québec, les syllabes des mots Gaspard Fontaine devinrent un son coutumier, un refrain de célébrité familière. Toute une cohorte d’agents sillonnèrent campagnes et petites villes, où retentit le même nom sonore. Il émanait de lui, toutefois, en ces lieux où l’on n’avait jamais vu son titulaire, un fluide étrange qui lui attirait ce respect grave mêlé d’admiration ingénue. Peu à peu, une légende l’entoura comme d’une écharpe flamboyante, la gravité s’alourdit quand les lèvres le laissaient tomber : Gaspard Fontaine était devenu millionnaire…

Il l’était devenu, le sachant, l’œil rivé sur son étoile ardente, en une féérie de visions et d’en-