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Page:Bernier - Ce que disait la flamme, 1913.djvu/223

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CE QUE DISAIT LA FLAMME…

une autre hésite, il n’y a pas de complet amour. Oui, mon père, j’avais raison : il se dresse entre nous l’ombre… l’infini d’une séparation morale.

— Ah ! l’instruction ! elle nous vole nos enfants, à nous, les gueux enrichis ! murmure Gaspard, amèrement. Au moment même où je te tiens, tu me glisses entre les doigts…

— Au moment même où tu m’attires, quelque chose en moi ne s’élance pas, recule…

— Pourquoi te creuser la tête pour rien ? Je te le dis encore, c’est mon ignorance qui te repousse !

— Mais tu es plus admirable d’avoir réussi malgré elle !… Tu pourrais avoir l’instruction la plus abondante que le même sourd malaise serait entre nous… Il y a autre chose…

— On n’est pas vulgaire, quand on a été soi-même avec tant d’énergie, tant de noblesse ! dit Jean, une rougeur lui inondant la face, parce que certaines brusqueries de son père l’attristent. Tu pourrais être l’homme de manières les plus raffinées que la même ombre entre nous planerait, comme tu dis, glaciale…

— Nous ne sommes père et fils que de nom, alors !

— Nous le sommes avec beaucoup d’affection, mais nous ne le sommes pas idéalement, profondément…