Aller au contenu

Page:Bernier - Ce que disait la flamme, 1913.djvu/292

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
281
CE QUE DISAIT LA FLAMME…

de la Traverse ». Ils ont précisément abandonné la ruelle Sault-au-Matelot, pour engager leurs pas sur la rue Dalhousie. Tous deux ne discernent qu’à travers des formes incertaines et de l’indécise lumière, les particularités du lieu où ils cheminent. « Lucile timide hésite à croire. Jean se hâte de ne plus être indécis : comment la prévenir de ne plus l’attendre jamais ? Rien d’assez rusé, d’assez délicat, d’assez probe ne contente son esprit. S’il va la reconduire jusqu’à Lévis, il trouvera le langage habile et doux qui la fera comprendre et le sauvera de la cruauté. D’une voix un peu rigide, sous prétexte qu’il veut désormais simuler l’indifférence, il insinue :

— Vous ai-je fait de la peine, mademoiselle ?

Au fond d’elle-même, une voix secrète dénonce à Lucile combien l’âme du jeune homme tout-à-coup change et durcit. Une pâleur lui tire le visage : elle est alarmée, se torture… Sans le vouloir, fut-elle insolente ou ridicule ? Quelques secondes viennent de s’enfuir. Jean, d’un regard furtif, entrevoit le malaise dont elle est douloureuse ; il s’effraye de la deviner une telle sensitive…

— Eh bien, oui, j’aurais pu vous faire de la peine, redit-il. Les malentendus ne sont pas rares… Vous aviez l’impression que je me moquais de vous. Je crus vous respecter…