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CE QUE DISAIT LA FLAMME…

loisir d’être perplexe davantage, il reconnaît ce long bêlement d’un cornet d’alarme. C’est une coquetterie de son père : il aime qu’un tel charivari partout l’annonce. Le chauffeur a des ordres précis : la sirène aigre ne cesse guère de geindre, et tout le monde sait que Gaspard Fontaine passe.

L’automobile roule sur des panaches blanchâtres comme volait sur les nuages le char fantastique des dieux. Il ralentit sa course fière, et l’on dirait qu’il vient se poser au bord de la route. Une main gantée de soie vive se démène, un sourire illumine une voilette orangée, la jeune fille est radieuse de revoir son frère. Le visage rubicond du chauffeur brille de joie sereine, les vernis scintillent, les cuivres flamboient, la machine halète et se repose.

En un tour de main, Yvonne déclenche la porte. Elle fait jaillir, coquettement, son visage hors de la voilette. C’est un épanouissement de rose lumière ! Le sourire ne s’alanguit pas, il éclate en une flambée des joues replètes, des lèvres avides et molles, des dents nerveuses, immaculées. Le tout charme, intrigue, éblouit. Quelle délicatesse ! quels frissons de vie ! quelle volupté d’être jolie ! quelle neige empourprée d’aurore ! un poème de l’exubérance ! un sonnet gracieux et palpitant de la fraîcheur ! Lemay l’eût inti-