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CE QUE DISAIT LA FLAMME…

de l’une et renoncer à l’autre, il eut un chagrin subtil à se rappeler tant d’émotions profondes qu’il ne revivrait plus. La brisure d’abandonner Lucile fut de la souffrance à peine différente, aussi confuse, aussi nerveuse, aussi destinée à un prompt oubli…

Il y a quelques jours, impuissant à ne pas être entraîné vers elle, en dépit d’un ultimatum à lui-même de ne plus la voir, il reconduisait Lucile jusqu’à Lévis, jusqu’à la demeure paternelle. Cette entrevue lui démontra que l’amour l’avait envahi, sournois. À l’heure même où cette découverte l’éblouit, il ne s’efforça pas d’amoindrir en lui l’impérieux sentiment, il ne pouvait y réussir, trop dominé par la forte et douce angoisse de le connaître en lui. Après avoir obtenu de Lucile un consentement joyeux à le laisser revenir auprès d’elle, alors qu’il dégringolait avec fièvre la Côte du Passage, il fut assiégé par un pêle-mêle de réflexions tumultueuses. Il s’estima ridicule de n’avoir pas même soupçonné qu’il aimait. Il s’empressa d’interroger cet amour et de savoir quel il était, sincère ou illusoire, mystique ou passionné, durable ou nécessaire. De l’analyse à tête calme eût seule conclu : aussi, beaucoup d’affirmations se battirent dans son esprit qu’elles ne gagnèrent ni l’une ni les autres : plus elles venaient à la rescousse, cha-