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Page:Bernier - Ce que disait la flamme, 1913.djvu/322

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CE QUE DISAIT LA FLAMME…

taine qui lui parut démesurée, infranchissable. Le préjugé de classe, ainsi que des épines faisant reculer les mains désireuses d’atteindre une rose, enfonça un aiguillon acéré en plein cœur de Jean. Il fut déchiré, il souffrit, il se rebella… En même temps qu’une blessure entrait au plus intime de sa vie, une ombre opaque lui pesait sur le cerveau comme un nuage pénètre dans l’atmosphère. Écrasé sous l’amas des objections à un tel mariage, il chancela : il hésita, il s’inquiéta, il se tourmenta, il ne sut quelles pensées accueillir. Les résolutions les plus opposées l’attirèrent l’une après l’autre, il s’irrita. Et quand il revit la maison prétentieuse et royale de Gaspard Fontaine, il avait l’âme encore flottante, égarée, bizarre et grincheuse…

Au souper, le père et la sœur flairèrent le trouble qu’il déguisait mal, insistèrent et, las de ne pas réussir, le harcelèrent de taquineries. Yvonne feignait auprès de lui l’insouciance la plus espiègle, depuis le jour où il ouvrit ses yeux sur les conséquences d’une union avec Lucien Desloges, pour dérober les craintes, les indécisions qu’elle ressentait. Et depuis ce même jour Gaspard, échappé à ce que les paroles de son fils eurent de puissant et d’irrésistible, appréhendait la mise en demeure de communiquer son blâme et son indifférence. Une simple allusion l’eût gêné,