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Page:Bernier - Ce que disait la flamme, 1913.djvu/349

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CE QUE DISAIT LA FLAMME…

tourna le ressentiment contre elle-même, s’incrimina : Lucien ne la gratifiait-il pas de flatteries semblables à chaque instant, ne l’en avait-il pas saturée ? N’avait-elle pas dû se plier aux phrases, à l’exagération, aux superlatifs doucereux ? Sous le langage orné, enguirlandé, pour ainsi dire pommadé, elle discernait une louange véritable. Certes, il écoutait les mots rares et harmonieux s’arrondir sur ses lèvres, il se délectait de souplesse intellectuelle, d’originalité, d’un langage fécond. Tout cela, elle le connaissait, elle l’avait compris, excusé, admis. Elle s’y était même si bien résignée que loin d’en être offusquée, elle y trouvait de la grâce et de la culture. Ne le blâmait-on si aigrement d’une conversation habile et surveillée que parce qu’on avouait une impuissance à l’imiter, à l’égaler ? Si donc elle a cru équitable d’en justifier, de presqu’en admirer Lucien, n’y a-t-il pas de l’injustice et de la petitesse à l’en flétrir aujourd’hui ? Elle rattache l’exaspération des nerfs à l’agacement causé par l’incident avec l’Américaine, elle en est confondue…

— Je suis sotte, n’est-ce pas ? dit-elle, avec une tendresse peu adaptée aux paroles banales.

— Cela s’accorde mal avec la déclaration que je viens de vous faire !