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Page:Bernier - Ce que disait la flamme, 1913.djvu/48

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CE QUE DISAIT LA FLAMME…

attendrie quelques minutes : un sursaut d’orgueil la secoue, elle rougit d’appréhender le blâme de son frère, elle va lui proclamer son amour avec fierté ! Elle préférerait, tout de même, ne pas lui avoir celé la chose aussi longtemps.

— Ces rêves, lui répond-elle, ils furent ceux de la jeune fille romanesque, ignorante de la vie dont tout le monde se contente. Je n’ai plus l’âge de les avoir.

— Vingt ans ? C’est l’âge de ne plus avoir de hautes illusions ? Tu badines !…

— Je suis sérieuse ! Il faut envisager la vie telle qu’elle est, ne pas la badigeonner de fard sentimental, en un mot, ne pas habiter les nuages !…

Douloureusement surpris, il n’interrompt plus ce dédaigneux reniement d’un idéal qu’il avait cru inséparable d’elle. Il est impossible que ces paroles froides et presque cyniques soient l’écho des profondeurs d’elle-même. La surface de l’âme est seule agitée de remous frivoles, mais il est temps qu’ils se calment, avant que les sources vives n’en soient atteintes. La langage d’Yvonne s’enhardit :

— Je me suis étonnée un peu de la transformation que j’ai subie. Je la comprends, mon frère, elle devait avoir lieu. Je ne pouvais être naïve toujours… À mes premières sorties, j’ai dit tout