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Page:Bernier - Ce que disait la flamme, 1913.djvu/66

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settes pâles sont une vision de nuages teintés d’aurore, les souliers bouclés semblent ne pas toucher la terre. C’est un jeune dieu moderne, un Apollon de la mode.

Yvonne, attirée par les dons éclatants de Lucien, ne pénètre pas ce qu’il y a d’irrémédiablement fade et vide au fond de son âme. Il est si bien aguerri aux joutes de la conversation mondaine, si façonné à l’art de paraître, il possède un tel flair de se fournir la culture propre à ses ambitions superficielles, qu’il en impose à beaucoup de gens par une faconde audacieuse et joliment peignée. Il a ces ornements de façade qui masquent la pénurie de l’intérieur. Son intelligence grouille d’étincelles agiles, mais dans les profondeurs que les sensations fortes et les hautes pensées seules illuminent, la nuit est opaque, aucune flamme n’irradie. Il est incapable de se déprendre de lui-même : une chose n’est précieuse que par le surcroît de vanité qu’elle apporte ; une idée n’a pas de valeur intrinsèque, elle ne vaut que par l’originalité savoureuse dont il l’expose. Il s’écoute réfléchir, il s’écoute monologuer, il s’écoute faire des réparties merveilleuses, il en jouit infiniment, d’une volupté indicible.

Yvonne, bien qu’elle ait conscience d’une fatuité réelle chez Lucien, n’en découvre pas toute