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IV

l’apathie générale, immense…


C’est que Jean revenait plus hostile à Lucien Desloges qu’il ne l’était. L’appel d’Yvonne l’incommode, l’agace, et il tergiverse. Il ne peut se dérober : il y aurait malséance et malveillance à le faire. Et l’obligation de feindre une sympathie courtoise, alors qu’il voudrait témoigner son indifférence et même son amertume, lui répugne, retarde sa docilité. Il devrait ne pas faire attendre, il veut obéir, mais une puissance intime l’en dissuade, l’immobilise sur place, et les secondes, à l’intérieur du salon, paraissent longues à vivre.

C’est que Jean revient de la première séance du Congrès de la langue française. Un peu distraitement, sans y mettre la passion d’un vrai cœur de patriote, il a suivi les préparatifs de ce ralliement des âmes françaises américaines autour de leur drapeau de survivance, la langue française. La curiosité, plus qu’un sentiment avide de jaillir, a conduit ses pas vers la salle du « Manège » où la rumeur de la foule enflait toujours. Avec quels sons palpitants d’amour et d’orgueils infiltrés le long des siècles, elle a mon-