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Page:Bernier - Ce que disait la flamme, 1913.djvu/98

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— Et bien ! j’y retourne, moi ! Quel dommage !… Les ingénieurs forestiers sont-ils supposés faire œuvre de patriotes, d’orateurs ? Nous avons tellement d’orateurs que notre ciel en est obscurci ! De linguistes ? La société du Parler français est prodigieuse : que ferait-elle de moi ? Je parle ma langue, j’en suis fier !… Je veille au salut de la forêt canadienne, ne suis-je pas un patriote ?… Et les excentriques ont un cœur, n’en déplaise à ceux qui me font l’honneur d’un sarcasme : une femme viendra… Tu souris ? Très-bien, chasse-moi cette peine trop subtile.

— Je ne le puis. Est-ce du sentimentalisme patriotique, une réaction nerveuse ? Au sortir de la salle, un mot de réflexions m’a envahi subitement : on était venu comme au théâtre, pour voir, pour se distraire de la monotonie quotidienne. On a vibré comme on vibre à la tirade brûlante d’un acteur qui est oubliée le lendemain. Il y avait un peu de carnaval en tout cela, très peu, sans doute, mais assez pour que la démarche fût moins noble, l’élan moins pur : il s’y mêlait tellement de curiosité superficielle… Eh bien, j’ai eu l’intuition de tout cela, comme si le poids de toutes les indifférences me fût tombé dans l’âme. Car, au fond, c’est de l’indifférence !

— C’est qu’il y a du vrai, énormément de vrai dans ce que tu viens de dire, murmura Paul Gar-