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JEAN-ARTHUR RIMBAUD

lui, voyant souventes fois derrière les rideaux entrouverts d’une fenêtre du quai de la Madeleine une brune aux yeux bleus dont les regards ne se baissaient pas trop au croisement des siens, en était tombé amoureux et avait osé, en toute droiture d’ingénuité, adresser à la belle une déclaration de bon ton lyrique et donnant rendez-vous. Les parents, ainsi qu’il convient, avaient lu le poulet, et, comme la teneur en était sympathique et point banale, ils avaient, curieux, décidé de laisser leur fille aller au rendez-vous. En présence de son « âme », triomphante en ses atours et flanquée d’une servante, la timidité physique de l’amoureux s’était incendié le visage et paralysé la langue : cependant que la demoiselle, reconnaissant son voisin, et dépitée sans doute de tant de confusion, le toisait d’un air impertinent et que la servante éclatait de rire…

L’austérité de Madame Rimbaud ne s’émut pas beaucoup du rapport paternel. Elle était intelligente elle savait son fils chaste, positivement, et la jeune fille, de bonne maison. Dans la crainte perpétuelle où elle vivait d’une nouvelle fugue d’Arthur, elle envisagea plutôt comme une bénédiction cette circonstance amoureuse, capable peut-être de le rendre plus sédentaire. Puis, quoique la demoiselle fût d’un âge de quelques