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JEAN-ARTHUR RIMBAUD


XI


Mais Rimbaud ne s’attardera pas longtemps à ces virulences de polémique, pourtant si savoureuses, qui réjouissent trop les petits esprits mal compréhensifs qu’il fréquente à Charleville. Un « subjectivisme » d’une vertigineuse profondeur et d’une extraordinaire acuité d’expression se discerne désormais dans ses vers. L’aigle va prendre son vol pour planer bien au-dessus des contingences morales et politiques, dans les régions supérieures de la poésie absolue, vers lesquelles palpite son aile immense et impatiente de mysticisme total, et cela — miracle ! — tout en gardant dardé sur la terre, sur la nature, son regard incomparable d’éclat et de fascination. La poésie, pense-t-il, tout en étant l’intense expression de l’intense sensation, doit être créatrice et propagatrice de rêves. Le poète se doit d’être un visionnaire et un prophète ; il lui faut entendre dans le silence, voir dans les nuits, noter l’inexprimable, fixer du vertige.