Page:Berrichon - Jean-Arthur Rimbaud, 1912.djvu/138

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de douceur pénétrante et de force terrible, de « grâce croisée de violence nouvelle ». Rentré chez lui, il ne cachait pas son enthousiasme à sa femme. Celle-ci — est-ce perversité native ? est-ce malins propos ouïs de son mari ? est-ce antipathie pour la singularité de Rimbaud ? — en prit ombrage. Pourtant, a écrit Verlaine dans ses Confessions, « il ne s’agissait en principe non pas même d’une sympathie quelconque entre deux natures si différentes que celle du poète des Assis et la mienne, mais d’une admiration, d’un étonnement extrêmes en face de ce gamin de seize ans qui avait dès alors écrit des choses, a dit excellemment Fénéon, peut-être au-dessus de la littérature ».

Hélas ! il était fatal qu’un être aussi extraordinaire fût, au point de vue moral, dès l’abord méconnu. Verlaine, ne pouvant lui-même deviner toutela délicatesse etla noblesse cachées sous les dehors étranges de Rimbaud, ne garda pas, c’est certain, vis-à-vis de sa femme et de sa belle-mère, en présence du « gamin » toute la mesure convenable et qu’auraient exigée ses responsabilités. On rentrait quelquefois ivres à la maison. Dès la première scène entre les époux à son sujet, le commensal, révolté par ce genre inattendu d’avanie, quitta sans rien dire la rue Nicolet et s’en fut errer seul dans Paris.