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JEAN-ARTHUR RIMBAUD

Rimbaud était venu rejoindre sa femme et l’on avait repris ensemble, à Lyon, à Paris, à Grenoble, la vie de garnison jusqu’au moment où Madame Rimbaud, étant de nouveau sur le point d’accoucher, dut, avec ses garçonnets, s’en aller à Charleville.

Le rez-de-chaussée du no 12 de la rue Napoléon (rue Thiers à présent) était occupé à cette époque, et l’est encore aujourd’hui, par une boutique de librairie. Une fois, Arthur — il allait avoir quatre ans — grimpé sur le soubassement de cette boutique, se tenait en contemplation devant les images d’Épinal étalées aux vitres et représentant des aventures de voyage. Le libraire, derrière son comptoir, observait, depuis un moment, cette tête d’angelot aux divins yeux bleus écarquillés d’extase. Intéressé, il ouvrit sa porte, sans qu’au bruit l’enfant se dérangeât, et vint doucement lui demander ce qui le passionnait à ce point. Arthur, déjà farouche, ne bougea ni ne répondit d’abord ; et ce ne fut qu’après bien des instances affectueuses qu’il désigna les images. Le libraire offre de les lui vendre. Le petit garçon, fébrile, à défaut de sous, propose en paiement la petite sœur que venait de lui donner sa maman. Il va sans dire que le bon marchand, touché jusqu’aux larmes de l’intensité de ce dé-