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JEAN-ARTHUR RIMBAUD

la prairie sous Mézières, ville jadis défendue par Bayard.)

1. — L’eau est claire, comme est transparent le chagrin des enfants. La lumière danse dans la chaleur, et ses ondes, souples comme des nudités féminines, remontent en l’atmosphère vers le soleil. Sur les murs du rempart, au pied duquel coule le fleuve, la reverbération fait s’agiter une multitude de blancheurs pareilles à des oriflammes de soie ; et le retlet dans l’eau de ces moires lumineuses donne l’impression d’un enlacement voluptueux de corps purs, ou plutôt d’un bonheur nageant dans le courant et dont l’agitation des bras mouillés serait ngurée par le mouvement des touffes d’herbes aquatiques. Elle (la Meuse, l’humidité, principe femelle de génération), triste en soi, pudique et offensée par la joie du ciel, va, en attendant la nuit, vers l’ombre que, rideaux, projetteront tout à l’heure sur son émoi le pont (d’Arches) et la colline (du Bois-en-Val).

2. — Voici que les transparences humides invitent à s’aller fondre dans leurs vagues de clarté, à s’aller coucher dans les lits d’or pâle, infiniment profonds, dont se meuble le fleuve Et les fillettes en robes vert-passé (les deux petites sœurs du poète) viennent se planter, comme des saules, sur la berge et se mirer dans