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Page:Berthet — La tour du télégraphe, 1870.pdf/181

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LA TOUR DU TÉLÉGRAPHE

reproches de l’autre et rougissait à ses propres yeux de s’être laissé abuser si complétement. Enfin Fleuriot reprit d’un air de réflexion :

— Nous avons été bien insensés, ma pauvre Lucile : et pourtant qui sait si nous ne venons pas d’éviter un grand péril ? L’insistance singulière de cet homme et de cette femme, leurs sollicitations opiniâtres, infatigables pour obtenir la remise de mon livre des signaux, ne doivent-elles pas nous donner à penser ? Que deviendrais-je aujourd’hui si je savais en pareilles mains un objet de cette importance ?

— Tu as bien raison, mon frère ! s’écria Lucile avec entrainement, et tu as été plus sage que moi. Je m’imaginais que c’était uniquement dans ton intérêt que l’on réclamait ce livre avec tant de persévérance et d’ardeur. Je t’en voulais de ton obstination à le refuser ; je t’accusais de méfiance, d’orgueil, que sais-je ?… Ah ! Raymond, tu as été bien inspiré en retirant ce manuscrit de l’armoire où tú le plaçais d’ordinaire, car sans cette précaution il serait maintenant en leur pouvoir !

Raymond fit un soubresaut.

— Que dis-tu, Lucile ? demanda-t-il d’une voix sévère.

La jeune maîtresse d’école eût bien voulu retirer l’aveu qui venait de lui échapper, mais il était trop tard, et, pressée de questions, elle finit par exposer comment la prétendue marquise l’avait décidée à fouiller l’armoire de Raymond, dans l’espoir d’y trouver le livre de ses signaux.

— Oh ! pardonne-moi, mon frère, ajouta-t-elle d’un ton suppliant ; c’était mon affection pour toi qui me poussait. Pouvais-je soupçonner les horreurs que nous venons d’apprendre ? Heureusement, ta sagesse, la conscience de ton devoir t’avaient donné la prévoyance du danger… Tu avais transporté ailleurs cet objet dont la possession, je le comprends maintenant, devait avoir tant de prix pour… pour ces personnes.