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Page:Berthet — La tour du télégraphe, 1870.pdf/222

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LA TOUR DU TÉLÉGRAPHE

— Que ferons-nous ? ma chère, demanda enfin Colman à la Parisienne ; faut-il le recevoir ?

— Pourquoi non ? et si vous le permettez, j’assisterai à cette entrevue. Il ne s’attend pas à me rencontrer ; je veux l’écraser de reproches, jouir de son humiliation…

— Et aussi vous assurer que je ne fléchirai pas sur certain chapitre, n’est-ce pas, ma charmante ? Restez donc, puisque c’est votre fantaisie. Mère Bourachon, amène-moi ce monsieur.

Comme la vieille allait sortir, on entendit une sourde rumeur dans les jardins, puis des pas précipités ; enfin, la porte s’ouvrant tout à coup, un jeune homme, tête nue, les traits bouleversés, s’élança dans le pavillon. Colman reconnut un des employés de sa maison de banque.

— Monsieur Gervais, s’écria-t-il avec colère, osez-vous venir me relancer ainsi ? On sait pourtant…

— Excusez-moi, monsieur, répliqua l’employé, mais ce qui se passe explique ma hardiesse. Vos bureaux sont envahis par la justice ; on a saisi tous les papiers et tous les registres ; la maison est cernée par des agents de police et des gendarmes. On vous cherche vous-même et je me suis échappé pour vous donner avis…

Colman pâlit en apprenant ces nouvelles. Cependant il conserva son sang-froid et sembla réfléchir. Comme il tardait à répondre, la vieille Bourachon s’écria :

— La justice ! les gendarmes !… Sainte Vierge, nous sommes perdus !

— Et moi, et moi ! que vais-je devenir, dit Fanny ter rifiée.

Mais déjà Colman avait jugé la situation et compris ce qu’il y avait à faire.

Allons ! du calme, reprit-il résolûment ; ils peuvent fouiller mes registres et mes papiers, je m’en inquiète peu.

— L’important, Fanny, est qu’on ne vous trouve pas ici, car votre présence fortifierait certains soupçons… Mais surtout