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Page:Berthet — La tour du télégraphe, 1870.pdf/245

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LA TOUR DU TÉLÉGRAPHE

XVIII

Marches et contremarches.


Demeuré seul, Fleuriot se sentit délivré d’un grand poids. Depuis qu’il avait quitté Puy-Néré, la conscience d’avoir abandonné son poste lui causait de vives inquiétudes. Il se considérait parfois comme un déserteur, et cette préoccupation nuisait à la netteté de ses vues, à la franchise de ses allures. Depuis quelques instants, au contraire, sa position était complétement et heureusement changée. Son entretien avec les hauts fonctionnaires avait rassuré sa conseience, relevé sa force morale ; il ne se trouvait plus isolé dans ses projets, et, tout en se promettant de n’invoquer aucun secours étranger pour obtenir le redressement de ses griefs, il se réjouissait à penser que l’autorité légitime, aussi bien que le bon droit, était de son côté.

Il reprit donc ses recherches à travers la ville, quoiqu’il fût déjà tard. Il arpentait la rue d’un pas rapide, regardant avec attention tous les passants ; il visita les cabarets de bas étage où se réunissaient habituellement les matelots, dans l’espoir que Cransac, qui avait pris le costume des marins, essayerait de se confondre avec eux. Mais il comprit bientôt que le vicomte, dont il connaissait les instincts aristocratiques et les goûts délicats, n’eût jamais pu se décider à passer une heure dans ces bouges hideux, au milieu d’une