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Page:Berthet — La tour du télégraphe, 1870.pdf/306

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LA TOUR DU TÉLÉGRAPHE

avaient profité de ses malversations. Aussi Brandin a-t-il été condamné à quelques années de prison seulement, à raison du repentir qu’il témoignait, et les autres accusés ont été renvoyés absous.

— De plus, ajouta Lucile avec vivacité, mon frère a reçu les félicitations du président pour l’intelligence et le dévouement dont il a fait preuve dans cette affaire, et l’auditoire tout entier a approuvé ces éloges.

— Ils étaient bien mérités en effet, reprit Vincent, et je dirai plus tard à M. Fleuriot… Ainsi donc Colman et Fanny Grangeret ont été acquittés ? Cela ne m’étonne pas de ce Hambourgeois madré qui sait si habilement se retourner ; mais cette intrigante qui nous a trompés et qui tranchait ici de la dame châtelaine…

— On a remarqué, dit Lucile en baissant les yeux, que mon frère parlait d’elle avec une réserve indulgente.

Fleuriot rougit.

— Je ne pouvais oublier, répliqua-t-il avec embarras, que cette femme, si peu estimable qu’elle fût d’autre part, avait été admise dans l’intimité de ma famille, dans la tienne, ma sœur ; et ces souvenirs, que je déplore pourtant, ont été une sauvegarde pour elle. D’ailleurs, si elle est coupable, elle a été suffisamment punie par deux mois de captivité…

— Bah ! bah ! mon cher Fleuriot, dit Georges Vincent, réservez votre pitié pour les personnes qui en sont plus dignes. Les femmes telles que Fanny Grangeret ne manquent jamais de compensations dans leurs chagrins, de protecteurs dans leurs disgrâces. Déjà, je le gage, celle-ci a su tirer le meilleur parti possible de ses infortunes.

— On prétend, reprit madame Fleuriot, que le jour même du jugement, elle est partie pour l’Italie, dans une belle voiture de poste, en compagnie du banquier millionnaire.

— Quand je disais ! s’écria l’inspecteur.

— Comme on est trompé ! murmura Lucile.