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Page:Berthet — La tour du télégraphe, 1870.pdf/91

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LA TOUR DU TÉLÉGRAPHE

longtemps que je n’ai vu mademoiselle Lucile… Mais, mais, ajouta-t-il en regardant fixement Fanny qui ne broncha pas, il me semble… je crois… reconnaitre… Madame est Parisienne, sans doute ?

— Quoi ! s’écria Lucile, auriez-vous connu par hasard à

Paris madame la marquise de Grangeret, la nouvelle maîtresse du Château-Neuf ?

Marquise de.., Bon ! j’ai commis encore une sottise, reprit l’inspecteur avec confusion ; je n’en fais pas d’autres…, Pardon, madame, continua-t-il en s’inclinant, je vous ai prise pour une… personne que j’ai vue autrefois à Paris et qui n’était pas marquise du tout… Mais mademoiselle Fleuriot vous dira peut-être combien je mérite d’indulgence pour les erreurs de ma pauvre tête folle.

— Je ne dirai rien de pareil, répliqua Lucile avec gaieté ; vos idées ont beau être mobiles comme les bras de votre télégraphe, monsieur Vincent, je ne vois pour mon compte aucune excuse à vos étourderies.

— Allons ! c’est une erreur, dit Fanny dédaigneusement ; pour moi, je n’ai aucun souvenir d’avoir rencontré M. Vincent ou même d’avoir entendu prononcer son nom… Je le regrette… Eh bien ! ma belle, poursuivit-elle en tendant sa main gantée à l’institutrice, je vous laisse… Vous viendrez me voir au Château-Neuf, c’est entendu.

Tout en parlant, Fanny se dirigeait vers la maison. Lucile et sa mère l’accompagnaient respectueusement ; Georges Vincent lui-même venait à quelques pas en arrière, un peu honteux de sa bévue et en tortillant sa casquette. Comme on traversait la classe, madame Fleuriot prit par la main une blondinette de six ans et la présenta à la châtelaine :

— Voilà, madame, dit-elle, une gentille enfant que je vous recommanderai à votre prochaine visite… Savez-vous qu’elle lit déjà couramment ?… Et puis elle s’appelle Fanny, comme vous !