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Page:Bertillon - Identification anthropométrique (1893).djvu/77

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LXVII
PARALLÈLE ENTRE LES TROIS SIGNALEMENTS

avons un individu détenu qu’il nous faut appareiller avec l’un des 100.000 signalements de nos greffes : la description désigne l’individu étant donné le nom (et le signalement correspondant) ; l’anthropométrie procure le nom, étant donné l’individu.

Ces résultats sont confirmés par le signalement au moyen des particularités, soit dans le cabinet du juge d’instruction, soit devant le Tribunal : c’est le signalement judiciaire, proprement dit. C’est ainsi qu’on retrouve dans les trois parties du signalement les trois grandes divisions de l’autorité répressive : Sûreté publique, Administration pénitentiaire et Justice.

Nous n’avons tant insisté sur ce point que parce qu’il donne lieu encore maintenant à de fausses interprétations.

Combien de fois ne nous a-t-il pas été donné d’entendre des gardiens de prison déclarer que leur signalement était le descriptif, et qu’en faisant de l’anthropométrie, ils faisaient l’ouvrage de la police : tandis que c’est juste l’inverse qui est la vérité, nous croyons l’avoir démontré péremptoirement.

Par contre il ne se passe pas d’année dans les pays où l’organisation anthropométrique est encore en discussion, où les journaux ne publient quelque consultation de policiers éminents, déclarant gravement qu’ils ne sauraient comprendre en quoi l’anthropométrie pourrait leur être de quelque utilité pour l’arrestation des criminels en fuite.

Voici un avis que nous sommes bien près de partager.

    tionnée très consciencieusement et très exactement par M. Moulin, alors gardien-commis-greffier dans cette ville, et qui fut, pour ce fait, nommé depuis gardien-chef. Ce signalement traduit aussitôt en langue usuelle par les soins du juge d’instruction, M. Atthalin, fut communiqué à la presse. Or, les témoins de l’arrestation et en particulier le garçon du café où elle a eu lieu ont été unanimes à déclarer durant l’instruction et devant la Cour d’assises qu’ils ne se sont décidés à informer le commissaire de police de la présence de ce criminel dans le débit, qu’après avoir relu dans Le Petit Journal le signalement communiqué et s’être assuré notamment, à l’insu de leur client, que ce dernier présentait réellement au front et au dos de la main les deux cicatrices mentionnées. Il est certain qu’ils n’auraient pas été aussi loin, si le relevé des particularités n’était venu à point pour transformer leurs présomptions en certitude.

    Si maintenant nous recherchons les circonstances qui ont précédé et motivé les premiers soupçons, il ressort du récit des témoins que, dans cette arrestation, ce sont les extravagants propos tenus par l’anarchiste qui ont attiré sur lui l’attention des personnes présentes. Ce sont donc ces propos qui en cette circonstance ont joué le rôle qui incombe théoriquement au signalement descriptif, lequel embrasse d’ailleurs tout l’individu, son physique comme son moral, son allure, son langage, ses goûts et ses passions.

    Avons-nous besoin de dire aux « initiés » que, dans l’état actuel des choses et étant donnée l’imperfection des signalements mis d’habitude à la disposition des professionnels eux-mêmes, il n’y a pas un seul exemple véridique d’une arrestation déterminée uniquement par la description physique du sujet. Les seuls facteurs réellement actifs étaient, jusqu’à présent, ou l’allure suspecte et la maladresse du fugitif, ou plus souvent encore, quelque dénonciation anonyme très explicite.