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Page:Bertrand - D’Alembert, 1889.djvu/116

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approuverait, nous insistons sur ses défauts oratoires — oubliait trop souvent l’excellente maxime d’Horace : Semper ad eventum festina ; il se plaisait aux digressions. Son motif, très apparent quelquefois, est d’introduire la louange d’un ami, presque toujours celle de Voltaire. Le caprice seul dans d’autres occasions lui fait oublier la ligne droite.

Campistron, secrétaire de M. de Vendôme, le suivait un jour, sans qu’aucun devoir l’y appelât, dans l’endroit le plus périlleux d’un champ de bataille : « Campistron, que faites-vous ici ? lui demanda M. de Vendôme. — Monseigneur, répondit le poète, voulez-vous vous en aller ?  » Il aurait cru se déshonorer en ne partageant pas dans les plus brillantes occasions les périls et la gloire de son bienfaiteur.

D’Alembert, en laissant courir sa plume et oubliant Campistron, ajoute : « Horace, comme l’on sait, n’avait pas si bien payé de sa personne à la bataille de Philippes ; il eut même le courage, si c’en est un, de plaisanter sur sa fuite par ce vers d’une de ses odes :


Relicta non bene parmula.


Quelqu’un a fait graver son buste et a mis au bas, en retranchant simplement le non :


Relicta bene parmula.


On ne peut faire valoir plus heureusement une fuite qui d’un mauvais guerrier a fait un excellent poète. Mais il eût encore mieux valu être à la fois l’un et l’autre comme Eschyle et Tyrtée ; et peut-être Horace