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Page:Bertrand - D’Alembert, 1889.djvu/153

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que je ferais des mécontents et des ingrats. Ainsi, sans perdre les ennemis que je puis avoir en France, où je ne suis cependant sur le chemin de personne, j’irais à trois cents lieues en chercher de nouveaux. J’en trouverais, dès mon arrivée, dans ceux qui auraient pu aspirer à cette place, dans leurs partisans et dans leurs créatures ; et toutes mes précautions n’empêcheraient pas que bien des gens se plaignissent et ne cherchassent à me rendre la vie désagréable. Selon ma manière de penser, ce serait pour moi un poison lent, que la fortune et la considération attachées à ma place ne pourraient déraciner.

« Je n’ai pas besoin d’ajouter, monsieur, que rien ne pourrait me résoudre à accepter, du vivant de M. de Maupertuis, sa survivance, et à venir, pour ainsi dire, à Berlin recueillir sa succession. Il était mon ami ; je ne puis croire, comme on me l’a mandé, qu’il ait cherché, malgré ma recommandation, à nuire à l’abbé de Prades ; mais quand j’aurais ce reproche à lui faire, l’état déplorable où il est suffirait pour m’engager à une plus grande délicatesse dans les procédés. Cependant cet état, quelque fâcheux qu’il soit, peut durer longtemps, et peut demander qu’on lui donne dès à présent un coadjuteur ; en ce cas, ce serait un nouveau motif pour moi de ne me pas déplacer. Voilà, monsieur, les raisons qui me retiennent dans ma patrie ; je serais au désespoir que Sa Majesté les désapprouvât. Je me flatte, au contraire, que ma philosophie et ma franchise, bien loin de me nuire auprès de lui, m’af-