Page:Bertrand - D’Alembert, 1889.djvu/182

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passion qui a fait le charme puis le tourment de sa vie.

Mlle de Lespinasse a été mal connue de ses contemporains Sous la grâce de son esprit qu’ils admiraient, sous la distinction de ses manières, la régularité de sa vie et la dignité de sa conduite, elle a caché les faiblesses de son cœur. Elle est célèbre aujourd’hui, grâce à ses lettres qui nous sont restées, par l’ardeur de ses passions, par l’extase de ses ravissements amoureux, par la promptitude de ses infidélités.

Sa jeunesse fut fort triste.

Née à Lyon en 1732, elle avait quinze ans de moins que d’Alembert. Sa mère, séparée de son mari, devait cacher sa naissance. On la baptisa sous le nom de Julie de Lespinasse, fille illégitime de Claude Lespinasse, marchand, et de Julie Novaire. Elle fut élevée chez Claude Lespinasse ; ce très honnête homme la prit en amitié. Sa mère, comtesse d’Albon, devenue veuve, voulut prendre chez elle la jeune Julie, âgée alors de quinze ans. Ses autres enfants conçurent pour cette sœur qu’ils devinaient une haine violente.

Julie ne rappelait jamais ces souvenirs, qu’elle résumait par un seul mot : des atrocités. La comtesse d’Albon quelques heures avant sa mort révéla à Julie le secret de sa naissance, en lui remettant dans une cassette des papiers importants pour elle et la clef d’un secrétaire où elle devait trouver l’héritage qu’elle lui destinait.

Julie porta la clef à son frère. « Vous faites bien,